Roland Marounek
Le plan de l'Union européenne à 800 milliards d'euros « Rearm Europe », a été rebaptisé « Readiness 2030 ». Était-ce parce que le terme 'réarmer' était par trop incongru pour une entité à ce point déjà surarmée ? Que ce soit au niveau du budget, des forces navales, terrestres et aériennes, les seuls pays de l'Union Européenne, sans compter la Grande-Bretagne, ni les autres pays européens de l'OTAN, dépassent déjà largement la Russie.
Ceci sans même mettre dans la balance les États-Unis, champion hors catégories, qui en cas de guerre ouverte contre la Russie seraient de toute évidence aux côtés, ou alors juste derrière les Européens - même si ceux-ci font semblant de s'effrayer du contraire.
Le seul domaine où la Russie domine sans conteste est celui de l'armement nucléaire - son assurance-vie ? « S'ils n'avaient pas d'armes nucléaires, nous aurions déjà chassé les Russes d'Ukraine », affirmait en novembre dernier le chef du comité militaire de l'OTAN1. Les 800 milliards, est-ce pour la battre sur ce point ?
Prophétie auto-réalisatrice
Au vu de ses contre-performances en Ukraine on imagine mal comment la Russie se risquerait à attaquer l'entité surarmée qui l'encercle, même si elle en avait l'intention.
Sauf, bien entendu si elle se persuadait elle-même de l'imminence de sa destruction.
Et c'est vrai qu'il ne serait pas difficile de s'en convaincre, à écouter les discours des dirigeants de l'UE pour lesquels la Russie doit mordre la poussière, coûte que coûte. « Russia Delenda Est ! » assène le président letton, « Il faut militariser l'Ukraine jusqu'aux dents », affirme son homologue finlandais. Quant à la cheffe de la diplomatie européenne, elle plaide ouvertement pour la capitulation inconditionnelle et le morcellement de la Russie2.
L'UE a une conception de plus en plus curieuse de la « promotion de la paix », qu'elle porte pourtant haut en étendard.
Les dirigeants européens feignent de ne voir dans la guerre d'Ukraine que l'expression de « l'impérialisme russe », rejetant comme propagande ses préoccupations légitimes de sécurité. Ce narratif dans lequel ils se sont enfermés, rend impossible toute issue autre que la défaite totale de la Russie, et « honteuse » toute suggestion de négociation.
Que cette Europe-là annonce injecter 800 milliards pour un prétendu « réarmement » pourrait effectivement inciter les dirigeants russes à ne pas attendre que l'Europe ait fini d'accumuler la force suffisante de l'anéantir sans appel. L'investissement gigantesque dans la « sécurité » aboutit donc au résultat parfaitement inverse, celui d'accroître l'insécurité en augmentant le danger de guerre.
La croissance par l'industrie de guerre
Une autre petite musique se fait entendre avec de plus en plus d'insistance. Pour une Europe à bout de souffle économiquement, lourdement plombée par ses propres sanctions antirusses, cet investissement massif dans l'industrie de guerre apparaît à certains comme une 'solution' miracle pour relancer artificiellement la croissance. Le cours des actions des sociétés liées à la « défense » bondissent. Les marchands de canons sont aux anges.
Autre avantage indéniable d'une économie de guerre « patriotique » : La protestation et la lutte contre le détournement des moyens publics au profit de la défense sont stigmatisés comme « antipatriotique », voire comme de l'intelligence avec l'ennemi. « Ceux qui ne voient pas la menace existentielle de la Russie font partie de la 5e colonne de Poutine » tonne notre Premier ministre. La guerre à l'extérieur mène au fascisme à l'intérieur
Dans les années 1930, le 3e Reich avait pareillement relancé spectaculairement l'économie allemande sinistrée en investissement massivement dans l'industrie de guerre. Certains avaient alors applaudi au miracle économique...
Préparer la guerre a toujours mené à la guerre
« Si tu veux la paix, prépare la guerre », jamais aura-t-on entendu autant cette maxime que ces derniers temps. Reflet de la sagesse populaire, de l'expérience des siècles passés ? Il est vrai que depuis l'époque de la fin de l'Empire romain où il aurait été la première fois dégainé, ce dicton n'a cessé de faire la preuve de sa pertinence, avec tout l'éclat des bombes : les pays européens n'ont eu de cesse de préparer les guerres, et dans les faits de passer effectivement d'une guerre et d'un massacre à l'autre. Et avec toujours la même bonne conscience, et la même certitude d'être du côté de bien, du juste, et l'ennemi du côté de la barbarie.
Désire-t-on réellement ce retour aux temps glorieux des boucheries des siècles passés, armes atomiques en prime ? Combien de fois dans l'histoire de l'humanité a-t-on pu observer que l'armement à outrance d'une partie débouchait sur la guerre, que ce soit parce que l'un se sentait suffisamment assuré d'anéantir l'autre, ou que cet ennemi estimait qu'une attaque préventive était préférable à la certitude d'être anéanti ?
Readiness 2030 : être prêt pour une guerre en 2030 ? Il est urgent de sortir de ce piège mortel dans lequel nous sommes entraînés par l'UE otanisée.
1. lindependant.fr, 13/11/2024
2. youtube.com
Source : Alerte OTAN n° 95 - Avril 2025